Chasse sous marine : Jean-Claude Brander, 80 ans et toujours sous l’eau

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Il y a des sportifs comme cela qui défient les règles du temps et Jean-Claude Brander en est un. À 80 ans, il continue d’arpenter le lagon de Taha’a pour flécher ume, paraha et mamo… Dès l’aurore il scrute le poisson avec toujours la même passion et partage avec plaisir ses connaissances (cf. dossier chasse sous-marine Sportstahiti Mag n°14). Avec plus de soixante ans de pêche dans les jambes et cette expérience inédite du terrain, qui d’autre que Jean-Claude Brander serait le plus habilité à délivrer de précieux conseils tant techniques que sur la sécurité en chasse sous-marine ? Sportstahiti Mag vous propose une rencontre inédite avec un monument de la pratique de la chasse sous-marine.

De Punaauia à Taha’a, une vie sportive et professionnelle intense

Jean-Claude Brander est originaire de Punaauia où il vit une enfance heureuse avant l’arrivée du CEP et les bouleversements qui s’en suivirent. À 11 ans, il commence la pêche sous-marine avec Charley Tehahe en l’accompagnant en pirogue. L’intérêt grandissant, il lui « pique » son fusil de temps en temps pour s’y essayer et se découvre rapidement une véritable passion. Dès 16 ans, il quitte l’école par nécessité familiale pour travailler, et dans les années 1964-65, il devient le numéro 10 de l’AS Punaruu en football avec les frères Tumahai. Footballeur, pêcheur, il s’investit aussi dans le va’a au sein du club Tetaimārevareva (regroupant essentiellement des rameurs des îles Sous-le-Vent résidant à Punaauia) puis de Punaruu avec qui il rafle des titres de champion du monde en 1986 et 1988. Résidant dans la même commune, il pêche régulièrement avec Fernand Ateo, un grand champion bien connu du circuit local et international et il s’essaye aussi à la compétition avec de grands noms comme Jean-Claude Bourdelon. Il y découvre celui qui reste à ses yeux le plus grand technicien : Anthony Paheroo — d’ailleurs en l’observant pêcher dans le lagon de Taha’a, on constate qu’il pêche pratiquement de la même façon en utilisant régulièrement la technique du hoa à faible profondeur. Très respectueux envers ces champions qu’il a côtoyés, il reste néanmoins très pragmatique dans sa philosophie de la pêche : « Tu es un champion quand tu ramènes du poisson à la maison et que tu nourris bien ta famille… »

Des souvenirs de pêche sans poisson

Avec plus de soixante ans de pêche derrière lui, Jean-Claude a des souvenirs plein la tête, tous aussi mémorables les uns que les autres. Mais ses plus beaux souvenirs sont ceux où il a sauvé des vies en compétition. « C’est un très beau sport, mais la mort nous guette à chaque sortie. Aussi, mon plus beau souvenir est rattaché à cela. J’ai sauvé des vies et j’en suis très fier ! »

Une retraite bien méritée à Taha’a

Derrière chaque grand homme, il y a toujours une femme exceptionnelle et Jasmine en est une. En plus d’élever leurs quatre enfants, elle a aussi été une rameuse d’exception avec plusieurs titres de championne du monde à son palmarès. Et après une vie sportive exceptionnelle, c’est en toute logique que nos deux sportifs émérites ont pris leur retraite à Taha’a, d’où est originaire Jasmine Brander (née Tetuanui). La passion toujours aussi vivace, Jean-Claude n’a jamais déposé les fusils et il continue de pêcher régulièrement, essentiellement dans le lagon de Taha’a, près de son parc à poisson qu’il gère avec son fils Taaroa, à qui il a transmis son savoir et son amour de la pêche. Si vous vous déplacez entre Raiatea et Taha’a, vous verrez ce grand kau alu près d’un parc à poissons. Et si vous voulez parler avec lui, il vous faudra attendre que la session soit terminée. Vous le verrez peut-être là, à attendre patiemment. Par expérience et connaissance des courants et des lunes.

Gérer la ressource

« Avec la tenue des Océania à Raiatea en 2014, il y a eu un boom au niveau de la pratique de la pêche sous-marine. De plus, avec la crise, la ressource a beaucoup diminué. Je me suis toujours opposé à la pêche de nuit car elle contribue à réduire considérablement la ressource. Je participe régulièrement aux réunions sur ce sujet. »

Retrouvez le portrait de Jean Claude Brander dans le SportsTahiti MAG’ 21

La sécurité en pêche sous-marine

« C’est simple, à chaque fois je dis la même chose à une jeune qui veut apprendre à pêcher. Comme je l’ai dit à mon fils, je lui demande : “Combien vaut ta vie ? Dis- moi ?” Je lui dis aussi de prendre en compte dans sa réponse les neuf mois durant lesquels sa mère l’a porté, puis toutes les années durant lesquelles ses parents ont passé leur temps à le nourrir, le chérir et à s’occuper de lui. À cela, je lui demande aussi d’ajouter toute la famille qui l’attend impatiemment à chaque sortie de pêche… Ils n’arrivent jamais à me répondre pour la simple et unique raison que c’est inestimable. En bref, je leur demande si leur vie vaut un poisson ou un billet de 5 000 F. Je les amène aussi à se questionner sur leur état, leur forme, leurs compétences. “Est-ce que tu te connais ? Te sens-tu bien aujourd’hui ?” Je leur rappelle qu’il y a toujours des poissons ailleurs dans des zones peu profondes… Le type de pêche se fait en fonction de ta forme du moment, pas en fonction de ce que tu veux. En suivant ces règles, j’ai pu pêcher des années et je suis toujours en vie ! »

Des conseils en or qui valent pour tous. Donc, lecteur et lectrices qui pêchez, n’hésitez pas à les adopter, ils vous permettront de ramener du poisson (ou non) à votre famille sans la priver de votre précieuse présence.

Retrouvez les portraits de vos sportifs préférés sur www.sportstahiti.com.

Rahiti Buchin

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