SportsTahiti MAG’ : Pêcher en toute sécurité

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Vendredi 26 Février – Huit décès en 2020. Un bien triste record pour la pêche sous-marine en Polynésie. Et pourtant, pratiquée en toute sécurité, la pêche sous-marine nous permet de nourrir nos familles et de pratiquer une activité sportive de pleine nature.

Grisante, passionnante et fortement ancrée culturellement, la pêche sous-marine n’en demeure pas moins le sport le plus à risques actuellement et c’est en toute logique que nous consacrons un dossier sur ce sujet.

Le volet sécurité y sera développé au travers de témoignages, de conseils et d’un guide pratique qui vous amèneront, nous l’espérons fortement, à adopter les gestes de base pour pêcher en toute sécurité !
« Ta vie vaut-elle d’être perdue pour un poisson ? »

La pêche en binôme est la règle d’or à appliquer en chasse sous-marine. Elle vous permettra de vous surveiller mutuellement tout au long de votre pêche et, pratiquée intelligemment, elle vous permettra aussi d’attraper beaucoup plus de poissons.

Si vous pêchez seul, vous devez absolument adapter votre pêche en conséquence. La récolte peut être bonne dans très peu d’eau. Privilégiez les créneaux horaires tôt le matin ou en fin de journée car le poisson remonte pour manger ou se mettre à l’abri avant la nuit.

N’oubliez pas : que vous soyez en binôme ou seul, vous devez absolument signaler votre présence à l’aide d’une bouée ou d’un drapeau règlementaire. Vous devez impérativement rester à côté de votre bouée ou de votre bateau (deux nageurs ont été percutés à Moorea cette année). Si vous respectez ces règles de base, vous aurez de longues années de pêche devant vous et vous ne priverez pas votre famille de votre inestimable présence.

La Fédération multiplie les formations sur Tahiti et Moorea mais aussi sur les Raromata’i et les Marquises. Inscrivez-vous afin d’adopter les bons gestes de secours et de surveillance.
En complément, retrouvez les précieux témoignages d’anciens et de champions. Ils nous offrent leurs conseils avisés sur une pratique qu’ils expérimentent, pour certains, depuis plus de trente ans et qu’ils ont appris à sécuriser au fil des années.

Jean Claude BRANDER, pêcheur à Tahaa, 78 ans :

« Je pêche toujours et, c’est simple, à chaque fois je dis la même chose à un jeune qui veut apprendre à pêcher. Comme je l’ai dit à mon fils, je lui demande : “Combien vaut ta vie ? Dis- moi ?” Je lui dis aussi de prendre en compte dans sa réponse les neuf mois durant lesquels sa mère l’a porté puis toutes les années durant lesquelles ses parents ont passé leurs temps à le nourrir, le chérir et à s’occuper de lui. À cela, je lui demande aussi d’ajouter toute la famille qui l’attend impatiemment à chaque sortie de pêche… Il n’arrive jamais à répondre pour la simple et unique raison que c’est inestimable. En bref, je leur demande si leur vie vaut un poisson ou un billet de 5 000 F ? Je les amène aussi à se questionner sur leur état, leur forme, leurs compétences. “Est-ce que tu te connais ? Te sens-tu bien aujourd’hui ?” Je leur rappelle qu’il y a toujours des poissons ailleurs dans le pāpa’u (zone peu profonde)… Selon ta forme, tu vas là où tu peux, pas plus. J’ai moi-même fait des bêtises aussi et j’ai pu m’en sortir tout seul. Par la suite, j’ai réfléchi et je parle donc en connaissance de cause. J’ai pensé à mes enfants et à ma femme. L’essentiel, c’est d’être heureux, de ramener du poisson à la maison ou de le vendre. La recherche de performance est dangereuse tout comme les concours lancés sur les réseaux sociaux pour savoir qui rapporte le plus gros poisson. »
« Quand on perd un pêcheur, c’est une partie de soi qui part même si on ne le connaît pas ! Et c’est pire lorsque c’est un jeune ! »

Lailau Matahiapo, pêcheur professionnel, 67 ans :

« Je pêche depuis l’âge de seize ans. Le nounou (la convoitise) est pour moi le principal ennemi du pêcheur. Tant que le pêcheur ne saura pas gérer cela, il sera toujours en danger ! Souvent aussi, les jeunes veulent brûler les étapes. »

Alféo PIHATARIOE, ancien compétiteur, 70 ans :

« Je pêche toujours avec mon fils le week-end. Cela fait cinquante ans que je pratique la pêche sous-marine. L’essentiel pour prévenir les accidents est d’avoir une bonne hygiène de vie : faire du jogging, de la musculation et avoir une bonne alimentation. Pas besoin d’entraînement intensif sauf si vous préparez une compétition ou que vous pêchez pour en vivre. J’ai sauvé beaucoup de pêcheurs de la noyade mais j’ai aussi perdu beaucoup d’amis. Je garde le souvenir d’un collègue professeur de sport qui était un sportif de haut niveau. En tant qu’athlète, il poussait toujours ses limites et, un jour, on a pêché ensemble à Taapuna au milieu de la passe. Lors d’une apnée, j’ai vu un va’u énorme et en remontant je lui ai dit de ne pas tirer car il était monstrueux et nous n’étions pas équipés pour cela. Il ne m’a pas écouté et… il n’est jamais remonté ! Je l’ai cherché mais je l’ai trouvé beaucoup trop tardivement. Son corps était encore chaud quand je l’ai repêché. Ça m’a beaucoup marqué et j’y repense encore tout le temps ! À l’époque, nous avons perdu beaucoup trop de pêcheurs en compétition aussi. »

L’importance de pêcher à deux

Dans le SportsTahiti Mag n°9, nous avons déjà traité de l’importance de la pêche en binôme. Cette dernière est la règle d’or pour pratiquer la pêche sous-marine. Des pêcheurs compétiteurs ainsi qu’un jeune pêcheur nous le confirment au travers de leurs témoignages poignants.

Michel WILLIAMS, double champion de Polynésie par équipes et champion de Polynésie 2016 de nage avec palmes, membre de l’AS BLACK FINS :

« Lors d’une partie de pêche sur Raiatea, j’ai fait une grosse syncope. Sans l’intervention de Gérard Grave, je ne serais plus là. Nous avions pêché plusieurs jours d’affilée et nous étions fatigués. Malgré cela, on continuait à pêcher sur des profondeurs de 20 à 25 mètres. On poussait, on poussait et…, grâce aux cris de notre capitaine, Gérard a pu me venir me récupérer. Il m’a fait un massage cardiaque pendant près de 5 minutes ! D’autres auraient sûrement arrêté mais lui a continué et je suis en vie actuellement grâce à cela. Maintenant, j’anime des formations sur ce sujet et j’essaye de former au mieux mes stagiaires pour que cela ne leur arrive pas. »

Dell LAMARTINIÈRE, multiple sélectionné, champion de Polynésie en équipes et individuel, champion Océania, 13e mondial :

« Quand j’ai commencé la pêche sous-marine de compétition, j’ai fait plusieurs syncopes et mes coéquipiers m’ont sauvé à chaque fois. J’ai mis du temps à me corriger, à me gérer. Sans l’intervention de mes coéquipiers, je ne serais plus là. Maintenant, je conseille les plus jeunes car je n’ai pas envie que cela leur arrive. »
Les jeunes sont souvent les principales victimes de ces accidents de chasse sous-marine. Manea nous livre son témoignage.

Manea DAUZOU, 22 ans, pêcheur de Moorea, membre de l’AS TEFANA chasse sous-marine :

« À dix-sept ans, j’ai fait une grosse syncope dans le lagon de Teavaro. Sans l’intervention de mon oncle, je ne serais plus là… Je pêchais à plus de 20 mètres et, alors que j’étais déjà à bout de souffle, j’ai tiré un gros ’ō’iri qui s’est réfugié sous un corail. Le tout a fait que je n’ai pas eu la force nécessaire pour arriver à la surface ! J’ai été évasané et je suis resté quatre jours à l’hôpital. Par la suite, j’ai été pêcher avec Rahiti BUCHIN du club Tefana et j’ai suivi des formations. J’ai pu corriger plusieurs défauts (respiration, plombage…) et depuis, je n’ai plus eu de problèmes. »

Le guide pratique pour secourir un syncopé 

Retrouvez le magazine complet http://sportstahiti.com/sportstahiti-mag-14/

Le meilleur sur la Pêche sous marine au Fenua c’est sur www.sportstahiti.com.

Rahiti Buchin

l'auteurPN

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